
"Malgré 356 ans de domination européenne, la Guyane est sans doute l’un des pays les plus arriérés de ce vaste groupe humain dénommé le tiers-monde qui constitue le 3/4 de la planète. Depuis la dernière guerre mondiale, les peuples colonisés ont entrepris une dure croisade pour la reconquête de leur dignité et rien, hormis un suicide universel par une guerre nucléaire, ne pourra stopper ce mouvement. De toute évidence, ce suicide collectif ne saurait nous effrayer puisque, ne possédant rien, nous n’avons rien à perdre.
Ceci dit, nous restons persuadés que notre décolonisation doit se produire sans heurt et dans l’amitié, comme c’est le cas pour les pays d’Afrique Noire, anciennement colonies de la France.
Dans une récente et brève analyse, nous avons indiqué une option évolutive applicable à la Guyane Autonomie de gestion pouvant déboucher ultérieurement sur un panguyanisme constructeur. A la base de tout cela il y a un facteur essentiel la fin de nos discordes. Naguère, nous avons, ici même, violemment, et, nous l’espérons, clairement, stigmatisé les dangers de cette désunion scandaleuse qui ne peut qu’encourager un resserrement du carcan colonialiste « Voyez comme ils s ‘entredéchirent, disent nos maîtres quel chaos ce serait si nous n’étions pas là ».
Il semble que les Guyanais, quel que soit leur horizon politique, aient compris peu à peu l’intérêt qu’ils auraient à lutter de concert, car pour eux l’alternative est grave: se sauver tous ensemble ou pas du tout.
L’idée de l’autonomie de gestion fait son chemin, et cette autonomie viendra tôt ou tard. Il faut, dès maintenant jeter les bases d’une doctrine ou d’un programme pour plus tard.
Une fois le stade national autonome atteint, il conviendra de reconsidérer la structure même du pays afin de bien asseoir l’autonomie et la rendre dynamique. Il ne saurait être question de replâtrer l’échafaudage mis en place pour répondre aux convenances coloniales. Depuis toujours, notre pays a été conçu comme un « comptoir » avec des agglomérations côtières par où s‘écoulent nos matières premières, et arrivent d’Europe des administrateurs et des produits manufacturés.
Nous avons demandé à cor et à cris une décentralisation-déconcentration par rapport à la France. N’est-il pas vrai que l’évolution de la Guyane implique cette même déconcentration-décentralisation par rapport à Cayenne ? Notre pays est une sorte de Brésil en réduction. Qu’ont fait les Brésiliens pour promouvoir l’expansion de leur pays à l’échelle moderne ? Ils ont construit une nouvelle capitale en pleine forêt amazonienne et le monde entier applaudit à cette initiative à la fois révolutionnaire et pleine de promesses.
Notre voie est ainsi tracée la promotion de la Guyane autonome requiert un nouveau découpage et la construction d’une capitale nouvelle située dans l’intérieur. Saül semble être le meilleur emplacement sa position géographique est centrale, et il existe déjà un embryon de route assurant la liaison avec Cayenne.
Les conséquences administratives, économiques et sociales de cette conception de la Guyane sont considérables.
Cinq régions administratives, se livrant à une émulation fructueuse, seraient à créer
· L’Approuague, avec pour chef-lieu Cayenne. Allant de l’Oyapock à la rivière de Cayenne, à l’Orapu et au haut-Approuague, elle serait limitée au Sud par le Camopi.
· Le Sinnamary, avec pour chef-lieu Sinnamary, région centrale s’adossant à la région précédente et allant jusqu’à Iracoubo et la Haute-Mana. Elle comprendrait aussi Saül la capitale administrative.
· Le Maroni, avec pour chef-lieu St-Laurent, limité au Sud par le fleuve Iniini.
· Les deux régions intérieures méridionales seraient à l’Est le Camopi avec pour chef-lieu Camopi ; à l’Ouest l’Inini avec pour chef-lieu Maripasoula.
Sur le plan économique, l’on se trouverait dans l’obligation de construire un réseau routier entre les différentes régions et naturellement les exploitations agricoles et forestières ou minières se fixeraient le long de ce réseau. A ce propos il n’est pas superflu de signaler que les minerais suivants ont été inventoriés en Guyane: or, bauxite, colombo-tantalite, fer, diamant, chrome, nickel, molybdène, magnésium, mica, etc.
Les ports trouveraient leur vocation réelle: Cayenne pour le négoce, la pêche, les transactions boursières et commerciales ; Kaw serait le débouché d’un complexe minier et industriel ; Saint-Laurent se spécialiserait dans le bois et les produits agricoles.
Sur le plan démographique, il s’ensuivrait une sérieuse relance. En raison du renouveau économique et des perspectives de rentabilité, l’immigration deviendrait florissante. Dépositaires de responsabilités politiques et administratives, conscients de la viabilité économique, les Guyanais ne songeraient plus à devenir des fuyards. Car on le sait, un homme concerné par la gestion de son pays ne s’expatrie pas de même qu’un immigrant, mis en confiance par les structures d’un pays, y reste.
Il va sans dire qu’une ère de sacrifices et d’austérité devra préluder à cette prospérité dont nous, rêvons pour la Guyane. Ici, rien n'est simple, tout est à créer et tout se tient. Mais nous sommes prêts à faire ces sacrifices, à subir cette austérité, tout comme le font et la subissent, en ce moment même, les élites et les masses des pays africains fraîchement promus à l’autonomie. Maintenant, la parole est à l’autorité française qui doit s’interroger afin de savoir si, enfin, elle se décidera à nous faire confiance ou bien si elle continuera à nous attribuer des arrière-pensées mauvaises et à nous punir par anticipation en nous écartant systématiquement des affaires publiques."
Nos élus locaux se posent de plus en plus la question du changement statutaire de la Guyane. Et pour cause; il semblerait, si l'on considère l'article de Bertène JUMINER, que ce soit la condition sine qua none, littéralement "sans quoi non/sans quoi rien" d'une évolution marquée et assumée de la Guyane.
Si la Guyane n'est toujours pas autonome, on ne peut nier que l'Etat au travers de la décentralisation lui a confié depuis, de nombreuses tâches et autres responsabilités lui permettant de prouver ce dont elle aurait été capable si elle avait été autonome voire même indépendante. Le constat est alarmant. Et c'est là où l'on s'en rend compte, qu'aucun (ou presque) des conseils prodigués par Bertène JUMINER n'a été suivi ni même considéré. La feuille de route ainsi dressée a été oubliée et rangée pour ainsi dire, dans les tiroirs.
Il est plus qu'impératif aujourd'hui de la sortir et de la considérer avec sérieux et gravité tant la situation actuelle est inquiétante.
Force est de constater en effet que la "Guyane nouvelle" souhaitée et pensée par Bertène JUMINER est loin d'être celle que nous connaissons aujourd'hui.
La Guyane actuelle est toujours, à mon sens, un des pays les plus arriérés du Tiers-Monde. Sans les aides diverses provenant de la France hexagonale et de l'Union Européenne, la Guyane ne serait rien ou presque et ne figurerait absolument pas au rang des "pays du Nord", c'est-à-dire au rang des pays riches et développés comme elle le fait actuellement en tant que département français (et région française). De nombreux Guyanais ne continuent-ils d'ailleurs pas à condidérer la France hexagonale comme la "métropole". C'est là le signe manifeste, inconscient peut-être mais inquiétant de la persistance et de la persévérance chez eux d'un sentiment de dépendance vis à vis de la "mère patrie".
Il était question dans l'article de Bertène JUMINER de "se sauver tous ensemble ou pas dutout". Si le mouvement récent de contestation contre le prix des carburants a montré que les Guyanais étaient capables de s'unir et de se mobiliser autour et pour une cause commune, il semble que cela ne soit que ponctuel. Car en effet, en Guyane, personne ne l'ignore, c'est chacun pour soi. Et quand on voit l'autre réussir mieux que soi-même on fait tout pour l'en empêcher et le maintenir au même niveau que nous, voire plus bas.
Ainsi, à l'opposé des Martiniquais et/ou des Guadeloupéens (pour ne prendre que ces deux seuls exemples), les Guyanais ne sont pas encore capables de s'aider les uns les autres, de s'entraider et refusent de s'inscrire dans un groupe commun et solidaire animé par le sentiment de "Guyanité".
De même, Bertène JUMINER parlait dans son article d'une "déconcentration-décentralisation" interne vis à vis de Cayenne. Y sommes-nous parvenus? Manifestement non et nous semblons tenir à notre jacobinisme à la guyanaise. Cayenne est plus que jamais le centre de la Guyane, le centre névralgique, autour duquel tout tourne et où tout se décide ou presque.
J'aurais pu aussi dire "à quoi tout mène et qui mène à tout", cependant là encore surgit un problème auquel Bertène JUMINER avait pourtant proposé une solution: l'enclavement. La Guyane malgré les efforts de nos élus locaux est enclavée. Et la ville de Saül, centre géographique de la Guyane que Bertène JUMINER aurait aimé voir "capitale" à l'instar de Brasilia au Brésil est plus que jamais isolée et oubliée. Certes, on y a construit une boulangerie-cafétéria de façon à y créer un certain dynamisme, cependant, la ville de Saül reste très difficile d'accès comme coupée du reste de la Guyane. On est loin de la capitale imaginée par Bertène JUMINER, véritable centre de la Guyane, plaque tournante qui permettrait des échanges multiples et facilités entre les différentes régions administratives imaginées.
Sur le plan démographique, Bertène JUMINER n'avait pas tort. L'immigration et par là même la démographie ont explosé en Guyane. Nos dirigeants n'ont malheureusement pas été capables d'anticiper ce phénomène. Et il n'est pas profitable aujourd'hui à la Guyane dans ce contexte d'incompétence et encore moins aux Guyanais, ce qui fait que le dynamisme, l'émulation et l'interaction qui auraient du être engendrés, ne l'ont pas été. Aujourd'hui, il est davatange d'actualité de rechercher une solution efficace pour limiter au plus vite cette immigration qui est devenue au fil des années un fléau incontrolable qui maintient un réel climat de tension entre les ethnies présentes sur le département.
La "prospérité" rêvée par Bertène JUMINER pour la Guyane au prix d'une "ère de sacrifices et d'austérité" est actuellement inexistante et ne risque pas de voir le jour si nos élus locaux ne se mettent pas sérieusement au travail et continuent d'ignorer ce discours éminemment salvateur. Il est temps de laisser place à ladite ère de sacrifices et d'austérité qui nous conduira à la prospérité.
Je le souhaite aujourd'hui.